Association professionnelle des sténographes officiels du Québec c. Québec (Procureur général) et al. 500-05-011402-946

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Association professionnelle des sténographes officiels du Québec c. Québec (procureur général) et al. (2 juin 1998), Montréal 500-05-011402-946 (C.S.)

Cour supérieure (Chambre civile)

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE Montréal

NO : 500-05-011402-946

DATE : 1998-06-02

EN PRÉSENCE DE :

Pierre Viau , J.C.S.


Association Professionnelle des Sténographes Officiels du Québec, corporation sans but lucratif, Renée Dupras, sténographe et Lina Salotti, sténographe
Requérantes
c.
Le Procureur Général du Québec, Le Barreau de Montréal, corporation légalement constituée en vertu de ladite Loi sur le Barreau, Le Barreau de Laval, corporation légalement constituée en vertu de ladite Loi sur le Barreau, Le Barreau de Longueuil, corporation légalement constituée en vertu de ladite Loi sur le Barreau et Le Barreau de Richelieu, corporation légalement constituée en vertu de ladite Loi sur le Barreau
Intimés
et
Le Barreau du Québec, corporation légalement constituée en vertu de la Loi sur le Barreau
Mis en cause
et
Pierre Villaire
Intervenant

 

Viau:-

1 Les requérants demandent au Tribunal de prononcer un jugement portant notamment sur leur rôle concernant la prise des dépositions des témoins devant les tribunaux et certains organismes ainsi que sur leur droit d’agir partout au Québec.

2 Voici les conclusions de cette requête:

ACCUEILLIR la requête;

PRONONCER un jugement déclaratoire pour dire et déclarer que:

a) Seule une personne dûment certifiée conformément à la réglementation adoptée par une section du Barreau peut agir comme sténographe officielle auprès des tribunaux, soit tout organisme qui exerce des pouvoirs judiciaires, ou quasi judiciaires, sauf ceux dont la loi organique permet spécifiquement la prise des témoignages par un autre mécanisme;

b) Sont seules reconnues par la loi comme méthodes adéquates pour l’enregistrement des témoignages devant les tribunaux ou hors cour, les suivantes:

la sténographie;

la sténotypie

le sténomasque;

l’enregistrement au moyen d’appareils fournis par le ministère de la Justice, le tout conformément aux dispositions du Décret 1987-73 et publié dans La Gazette officielle, volume 105, tome 11, page 22;

c) sont illégales toutes autres méthodes d’enregistrement, dont notamment celle au moyen d’un appareil quelconque permettant l’enregistrement mécanique, magnétique ou électronique qui n’est pas fourni par le ministère de la Justice et opéré par une personne qui n’est pas accréditée comme sténographe officielle;

d) seule une personne reconnue comme sténographe officiel peut assumer la responsabilité de la transcription d’une audiocassette contenant un témoignage devant être utilisé devant un tribunal, et en certifier la fidélité en utilisant textuellement la formule prévue à cet effet;

DÉCLARER nuls les articles suivants:

a) l’article 8.18 du Règlement sur les sténographes du Barreau de Laval;

b) l’article 16 des Dispositions relatives à l’examen unifié de sténographie des barreaux de Montréal, Richelieu, Longueuil et Laval du Barreau de Montréal;

c) l’article 8.20 du Règlement pour les sténographes officiels du Barreau;

DIRE ET DÉCLARER que madame Renée Dupras est dûment autorisée à agir comme sténographe officielle bilingue devant les tribunaux tels que définis à la Loi sur le Barreau;

LE TOUT sans frais, sauf en cas de contestation de la part de l’un ou l’autre des intimés.

I- Les sténographes et la prise des dépositions des témoins

A- Législation et réglementation

3 Le législateur a prévu, à la section VI (C.p.c.), comment et par qui devaient être prises les dépositions des témoins qui comparaissent devant un tribunal (Cour d’appel, Cour supérieure, Cour du Québec, les cours municipales; a.22 C.p.c.):

Section VI

De La Prise des Dépositions des Témoins

324. Dans toute cause susceptible d’appel de plein droit, les dépositions sont prises en sténographie ou enregistrées de toute autre manière autorisée par le gouvernement.

Dans toute autre cause susceptible d’appel, le juge peut ordonner qu’elles soient prises en sténographie ou ainsi enregistrées.

325. Le juge peut ordonner que les notes du sténographe soient lues au témoin et, s’il y a lieu, corrigées cour tenante.

Le sténographe doit donner lecture de ses notes chaque fois que le juge le requiert.

326. Les notes du sténographe ne sont traduites que si le juge le requiert ou s’il y a appel; le coût de cette traduction fait partie des frais de la cause. Dans le premier cas, chaque partie avance le coût de traduction des dépositions de ses propres témoins; dans le second, tous les déboursés de traduction sont avancés par l’appelant.

327. Le sténographe certifie sous son serment d’office la fidélité de ses notes et de leur traduction. En tête de chacune des dépositions, il doit faire mention du nom du juge qui préside le tribunal, de la désignation des parties, des nom, âge, profession et résidence du témoin, et du serment ou de la déclaration solennelle prononcée par ce dernier.

328. Le sténographe doit se conformer aux règles de pratique édictées pour assurer la conservation de ses notes.

329. Le juge peut permettre, avec l’accord des parties, qu’une déposition soit prise en écriture courante, intégralement ou en résumé; la déposition ainsi prise est lue au témoin, qui la signe s’il la reconnaît.

330. Celui qui recueille les dépositions doit noter les objections des parties ainsi que les décisions qui en disposent.

331. Les aveux faits de vive voix par les parties doivent lètre notés par le juge ou le greffier. Ces notes, une fois signées par celui qui les a prises, font foi de leur contenu comme si elles avaient été signées par les parties elles-mêmes.

4 Il faut évidemment lire ces dispositions en regard de celles qui suivent:

Tout d’abord, des dispositions de la Loi sur les sténographes (L.R.Q.c. S-33):

Chapitre S-33

Loi Sur les Sténographes

1. Le protonotaire de la Cour supérieure de chaque district est tenu de fournir des sténographes compétents pour prendre les témoignages dans les causes appelables en Cour supérieure.

2. Les sténographes sont des officiers de la Cour supérieure et soumis à son contrôle, mais ils sont choisis par les parties.

3. La compétence de ces sténographes est établie par des examens subis devant un comité du Barreau de chaque district, nommé à cette fin.

5 Et, certaines dispositions concernant les sténographes et les Barreaux.

A. Loi sur le Barreau

6

Interprétation:

1) Dans la présente loi et dans les règlements édictés sous son empire, à moins que le contexte n’impose un sens différent, les mots suivants désignent respectivement:…

(1) «tribunal»: tout organisme qui siège dans le Québec et qui y exerce une juridiction judiciaire ou quasi judiciaire.

2)

5.1. Le Barreau est divisé en sections.

{Sections.}

2. Chaque section constitue une corporation distincte et autonome, formée des avocats qui y sont inscrits.

Pouvoir de réglementer.

3)

38.1. Un conseil de section peut, par règlement:

a) adopter les mesures propres à assurer la compétence et la discipline des sténographes qui exercent devant les tribunaux.

B- Réglementation des Barreaux

7 1) Extraits des dispositions relatives à l’examen unifié de sténographe des Barreaux de Montréal, Richelieu, Longueuil et Laval:

16. Les sténographes qui détiennent un certificat de compétence comme sténographes officiels de l’un des districts de Montréal, Richelieu, Longueuil et Laval, lors de, l’entrée en vigueur du présent règlement, conservent leurs droits acquis pour exercer devant les tribunaux de la section qui leur a décerné un certificat de compétence. Toutefois, pour exercer devant les tribunaux des autres districts, ces sténographes officiels devront réussir l’examen unifié.

17. Après chaque examen unifié, les Conseils des sections de Montréal, Richelieu, Longueuil et Laval publient le TABLEAU DES STÉNOGRAPHES OFFICIELSpour chacun des districts de Montréal, Richelieu, Longueuil et Laval. Seul un sténographe dont le nom apparaît à ce tableau et qui n’est pas suspendu de ses fonctions peut être désigné comme “STÉNOGRAPHE OFFICIEL.”

8 2) Extraits du Code des Règlements du Barreau de Montréal:

115. Dès lors, sous la signature du trésorier du Barreau de Montréal, le Conseil publie au cours du mois de mai le TABLEAU DES STÉNOGRAPHES OFFICIELS. Seul un sténographe dont le nom apparaît à ce tableau peut être désigné comme “STÉNOGRAPHE OFFICIEL”.

116. Le secrétaire du Barreau de Montréal transmet une copie certifiée du TABLEAU DES STÉNOGRAPHES OFFICIELS au directeur des greffes du Palais de Justice du district de Montréal.

117. Seuls les sténographes officiels peuvent prendre des dépositions devant les Tribunaux, le tout sous réserve des lois qui régissent les sténographes ou la prise des dépositions des témoins.

118. Les sténographes officiels ont droit à la rémunération fixée par le tarif. Le sténographe qui produirait un compte pour une rémunération dépassant celle prévue au tarif est passible d’une pénalité de cent dollars ($100.00) pour chaque infraction.

119. À la demande écrite et motivée d’un avocat, le Conseil ou un comité spécialement désigné par le Conseil peut vérifier si les honoraires réclamés par le sténographe sont exacts et conformes au tarif. S’il appert après vérification, que les honoraires réclamés pour les dépositions non transcrites dépassent de dix pour cent (10%) le montant que ce sténographe pouvait réclamer, le Conseil pourra exiger la transcription, sans frais, des dépositions ou toute autre pénalité raisonnable selon le cas. Si l’écart est inférieur à dix pour cent (10%), les frais de transcription seront alors à la charge du plaignant. L’Association des Sténographes Officiels et Judiciaires du Québec pourra désigner l’un de ses membres pour participer aux réunions du Conseil et du comité désigné pour déterminer l’exactitude des honoraires d’un sténographe.

Advenant qu’un juge ou un avocat puisse démontrer, à la satisfaction du Conseil, l’incompétence ou l’incapacité d’un sténographe officiel à exercer ses fonctions, le Conseil peut exiger que le sténographe subisse un nouvel examen et, à défaut par ce sténographe de subir et réussir l’examen tel que ci-haut décrit, le Conseil devra rayer son nom du TABLEAU DES STÉNOGRAPHES OFFICIELS.

Le Conseil, après étude d’un dossier et sur preuve jugée suffisante, peut réprimander un sténographe, le suspendre temporairement de ses fonctions et même rayer du TABLEAU DES STÉNOGRAPHES OFFICIELS, selon la gravité de chaque cas, tout sténographe officiel qui:

a) fait d’avance, dans le but de s’assurer une affaire, une entente ayant pour effet de réduire ou d’abandonner les honoraires accordés par le tarif;

b) partage ses honoraires avec une partie ou un avocat, ou fait une entente par laquelle une partie ou un avocat participerait à ses honoraires ou y aurait un intérêt;

c) sollicite directement ou indirectement une affaire d’une partie ou d’un avocat;

d) abandonne sans raison valable une cause qu’il a commencée;

e) refuse sans cause suffisante d’agir en sa qualité officielle à la demande d’un juge, d’un membre du Barreau de Montréal ou du directeur régional des Greffes;

f) produit un compte pour une rémunération dépassant celle à laquelle il a droit;

g) refuse ou néglige sans raison valable de produire les dépositions qu’il a prises lorsqu’il en est requis;

h) refuse de payer l’amende qui lui est imposée pour une infraction aux règlements;

i) prononce des paroles, publie des écrits ou commet des actes contraires aux lois;

j) refuse ou néglige sans cause suffisante de répondre à toute demande du Conseil;

120. Le serment d’office d’un sténographe de langue française doit se lire comme suit:

Je, soussigné, sténographe judiciaire, certifie sous mon serment d’office que les pages ci-dessus sont et contiennent la transcription exacte et fidèle de la preuve et des témoignages en cette cause prises au moyen de la méthode1 … le tout conformément à la Loi:

et j’ai signé:________

9 Enfin, voici un règlement pertinent aussi à la solution de ce conflit.

E-64

Règlement sur l’Utilisation d’Appareils d’Enregistrement du Son pour l’Enregistrement des Dépositions des Témoins

Code de procdure civile (L.R.Q., c. C-25, a. 324)

1. Conformément à l’article 324 du Code de procdure civile L.R.Q., chap. C-25) et à l’article 39 sur la Loi sur les poursuites sommaires (L.R.Q., chap. P-15), les dépositions des témoins appelés à comparaître devant les tribunaux peuvent être prises en sténotypie, au moyen de l’appareil appelé communément «sténomasque» ou au moyen d’appareils d’enregistrement du son fournis par le ministère de la Justice.

2. Les appareils d’enregistrement du son fournis par le ministère de la Justice comprennent un groupement de microphones en vue de l’enregistrement sur 2 rubans, l’un devant servir pour la transcription et l’autre étant réservé pour des fins d’archives. (R.R.Q., 1981, c. C-25, r. 10 D. 1433-83, (1983) 115 G.O. 2, 3628.)

B- Discussion

10 Les requérants soutiennent qu’à l’examen des textes précités, seul un sténographe officiel peut agir devant les tribunaux et organismes quasi-judiciaires québécois. L’intervenant, dont les préposés à la prise des dépositions ne sont pas, selon la preuve, des sténographes officiels (ou ne le sont qu’à l’occasion) plaide que tel n’est pas le cas, et que les parties, ayant le droit de renoncer au bénéfice de l’a. 324 C.p.c., peuvent tout aussi bien se contenter de ses préposés. Quant aux Barreaux, ils s’en remettent à la justice sur cette question. Et le Ministère de la justice n’intervient qu’en ce qui concerne l’enregistrement mécanique officiel. (C.p.c., p. E-54).

11 Il suffit de lire l’a. 324 C.p.c. pour comprendre que la sténographie est le premier moyen prévu pour la prise des dépositions des témoins. Quant aux autres moyens, ils ne posent pas problème ici.

12 Il est tout aussi aisé de comprendre, à la lecture des dispositions réglementaires précitées, que les sténographes agissant en vertu des dispositions prévues à l’a. 324 C.p.c.sont des “officiers de la Cour supérieure” (L.R.Q., c. S-33, a.2), et que l’accès à cette fonction est strictement contrôlé par les Barreaux de section qui ont seuls compétence en l’espèce. Et les Barreaux surveillent en plus l’exercice même de cette fonction. Donc: un officier public qui prend les dépositions des témoins et surtout qui “certifie sous son serment d’office la fidélité de ses notes et leur traduction”. (a.327 C.p.c.).

13 Toutes ces dispositions sont claires. Il n’y a donc pas lieu de les interpréter. Il suffit de les appliquer, comme la voulu le législateur en faisant des sténographes des officiers publics, et en s’assurant que les dépositions non seulement des parties mais aussi des autres témoins seront prises par ces officiers. On comprend mieux ainsi le rôle important assumé par les Barreaux et par les sténographes officiels.

14 Donc, devant tous les tribunaux visés à l’a. 22 C.p.c., seul un sténographe officiel peut prendre les dépositions des témoins. Et le fait de renoncer à cette prise de déposition, qui entraîne pour les parties renonciation à l’appel, n’exclut pas la possibilité de prendre les dépositions en écriture courante (a.329 C.p.c.). C’est simple. Et si un jour le législateur s’avise de modifier ces dispositions, il agira en conséquence. D’ici là, tous doivent respecter sa volonté clairement exprimée. Discuter, comme l’ont fait les parties, du caractère privé ou public de l’a. 324 C.p.c. apparaît, avec respect, comme un faux débat qui ne nous mène nulle part. La loi est claire, publique, bien connue de tous. Il faut la respecter. Un point c’est tout. Le prétendu “contrat judiciaire” entre deux parties ne saurait certainement pas affecter les droits de tiers appelés à collaborer avec le Tribunal à la recherche de la vérité. Et le moins que l’on puisse assurer à ces collaborateurs est que leurs dépositions seront fidèlement prises en note soit par un officier public, (a. 324 C.p.c.) soit de la façon prévue à l’a. 329 C.p.c.

15 Quant aux appareils fournis par le ministère de la Justice (C.p.c.p. E-64), ils sont conformes aux dispositions réglementaires pertinentes et leur fonctionnement ne requiert pas la présence d’un sténographe officiel. Ce qui n’empêche nullement celui-ci d’utiliser, en plus de ses notes, un appareil d’enregistrement; bonne façon d’ailleurs de s’assurer de la fidélité de celles-ci qu’il doit certifier sous son serment d’office. Que l’intervenant utilise des appareils de précision, rien à redire là-dessus. Mais que ses préposés ne soient pas des sténographes officiels, la chose contrevient clairement aux dispositions législatives et réglementaires pertinentes. D’ailleurs le préposé qui utilise l’appareil ne produit pas de certificat comme celui requis par l’a. 327 C.p.c. Donc, pas de garantie de fidélité, comme l’exige la loi.

16 Voilà pour ce qui doit se passer devant un tribunal au sens de l’a. 22 C.p.c.

17 Les requérantes soutiennent que la même situation doit prévaloir devant “tout organisme qui exerce des pouvoirs judiciaires ou quasijudiciaires, sauf ceux dont la loi organique permet spécifiquement la prise des témoignages par une autre mécanisme”.

18 Cette demande est beaucoup plus large que celle prévalant devant un tribunal (a.22C.p.c.). Et ces organismes exercent parfois des fonctions juridictionnelles tout en s’acquittant de tâches administratives. Rien de bien précis dans tout cela. Et l’intervenant a raison de souligner qu’il faut examiner une multitude de dispositions législatives pour tenter d’établir le véritable statut d’un tel organisme à un moment donné ou à un autre.

19 Le Tribunal est donc d’avis que la présence d’un sténographe officiel devant un tel organisme n’est obligatoire que si les dispositions législatives le concernant comportent une obligation semblable à celle apparaissant à l’a. 324 (C.p.c.).

20 Quant aux Commissions d’enquête, elles ne sont ni des cours de justice, ni des organismes quasi-judiciaires, ni même des arbitres de grief qui tranchent des litiges. Elles recherchent, rapportent et recommandent. Et l’autorité qui les a crées est libre ensuite d’agir à sa guise. Encore là, à moins d’une disposition législative claire comme celle apparaissant à l’a. 324 (C.p.c.), pas d’obligation de recourir aux services d’un sténographe officiel pour y prendre les dépositions des témoins.

21 En terminant cette première partie de notre analyse, quelques mots sur les paragraphes b) c) et d) de la première série de conclusions de la requête ainsi que sur certains éléments de preuve versés au dossier.

22 Le Tribunal ne voit pas l’utilité pratique d’accéder à la demande d’une déclaration concernant les méthodes reconnues par la loi pour l’enregistrement des témoignages. Quatre méthodes sont reconnues. Quant à l’aide que peut apporter à un sténographe officiel un appareil d’enregistrement, le Tribunal n’y voit rien à redire.

23 Quant aux demandes apparaissant aux par c) et d) de la première série de conclusions, il n’y a pas lieu d’y faire droit compte tenu des déclarations que l’on retrouve en conclusion de ce jugement.

24 Enfin, une preuve d’une ampleur tout aussi surprenante qu’inutile est venue alourdir ce dossier. Un affidavit de 745 paragraphes de l’intervenant, des lettres de satisfaction pour services rendus, l’éloge de la qualité des appareils utilisés par ses préposés, tout cela avait peu de pertinence avec le débat relativement simple dont était saisi le Tribunal par cette requête. À tout événement, le Tribunal prend pour acquis que toutes les personnes satisfaites des services rendus par les préposés de l’intervenant ne se plaignent pas de ceux rendus par des sténographes officiels qui ont eu à subir des examens importants pour accéder à leur fonction d’officiers publics et dont les activités sont étroitement surveillées par les Barreaux de section, garanties pour les témoins ne pouvant être données par les préposés de l’intervenant qui ne sont pas sténographes officiels et donc non compétents pour certifier sous un serment d’office la fidélité de leurs notes.

25 Quant aux autres éléments de preuve, ils relèvent pour la plupart d’un conflit ancien qui, souhaitons-le, s’estompera au fil des ans. Et ils ne nous aident pas vraiment à résoudre les problèmes rencontrés en l’espèce.

II-Les sténographes et les Barreaux

26 Ils ressort des dispositions législatives et réglementaires précitées que les Barreaux de section (corporations distinctes et autonomes du Barreau du Québec) ont seuls le pouvoir de régir, pour leur section respective, la compétence et la discipline des sténographes.

27 Les examens unifiés (anglais-français) ainsi que les autres mesures prises par ces Barreaux ne sont ni illégales ni discriminatoires à l’endroit des sténographes. Ceux-ci peuvent agir partout au Québec. Aucun problème pratique réel ni aucun élément de preuve convaincant à l’effet que tel n’est pas la situation. D’ailleurs, le Tribunal prend acte de la déclaration suivante des Barreaux intimés: à l’exception des sections où les sténographes doivent passer l’examen unifié, ils n’ont pas à se soumettre à un tel exercice dans les autres sections qui n’ont pas adopté une telle mesure. De sorte qu’une fois passé l’examen unifié, les sténographes peuvent de fait oeuvrer partout en versant bien sûr la cotisation prévue par les Barreaux de section.

28 Quant aux cas d’espèces invoqués par les requérantes, ils relèvent d’instances autres que la Cour supérieure requise ici de se prononcer en matière déclaratoire.

29 Enfin, comme les Barreaux, le Tribunal est d’avis qu’on ne saurait accepter la proposition des requérantes à l’effet qu’en interprétant l’expression “les tribunaux” (a. 38 (1) de la Loi sur le Barreau et le mot “tribunal” à l’a. 1 de cette Loi, il faudrait conclure que le sténographe est admis à exercer indistinctement dans tous les districts judiciaires sans passer par les Barreaux de section car ce serait alors enlever tout sens aux dispositions conférant à chaque conseil de section un pouvoir réglementaire pour les districts judiciaires concernés.

30 En terminant, le Tribunal n’entend pas revenir ici sur son jugement antérieur rejetant la demande en irrecevabilité de l’intervenant appuyée ici discrètement par les Barreaux, et il réitère ses félicitations à l’endroit des avocats qui ont fort bien préparé et présenté leurs propositions. Enfin, compte tenu de l’ensemble des preuves et des propositions présentées ainsi que des conclusions auxquelles il en arrive, le Tribunal laissera chaque partie assumer ses frais.

Par ces Motifs, Le Tribunal:

31 ACCUEUILLE partiellement la requête;

32 PRONONCE le jugement déclaratoire suivant:

1) Seule une personne certifiée conformément à la réglementation adoptée par une section du Barreau peut agir comme sténographe officiel responsable de prendre les dépositions des témoins auprès des tribunaux mentionnés à l’a. 22 C.p.c. siégeant dans un district judiciaire pour lequel cette section a compétence et dans tout district judiciaire où a compétence une section du Barreau qui n’exige pas des sténographes de passer un examen semblable à celui requis par les Barreaux intimés;

2) Seule une personne certifiée conformément à la réglementation adoptée par une section du Barreau peut agir comme sténographe officiel responsable de prendre les dépositions des témoins auprès d’un organisme exerçant des pouvoirs judiciaires ou quasi-judiciaires:

a) lorsqu’une disposition législative concernant tel organisme exige qu’un sténographe y prenne ces dépositions;

b) et que cet organisme siège dans le district judiciaire pour lequel la section du Barreau a compétence ainsi que dans tout district judiciaire où a compétence une section du Barreau qui n’exige pas des sténographes de passer un examen semblable à celui requis par les Barreaux intimés;

33 REJETTE les autres conclusions de la requête;

34 Chaque partie payant ses frais.

Viau

Me Daniel Chénard, pour les requérantes.
Me Richard Nadeau, pour le Barreaux.
Me Mario Normandin et Me Yves Robillard, pour le Procureur général.
Me Jean Rochette et Me Pierre Lefebvre, pour l’intervenant.

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